Dirty Talk

Dans mon dos, le bois de la porte est rigide et froid, mais je m’en fiche. J’ai mes cuisses autour de ta taille, je sens tes mains sur mes fesses et ta langue qui caresse la mienne ; c’est tout ce qui compte, tout ce qui absorbe mon attention, là, maintenant.
“J’ai envie de te parler cru.”

Batifolles

Y’a la lumière du soleil qui commence tout juste à filtrer à travers les persiennes. Il est tôt. Il est trop tôt. Hors de question de se lever. De toute façon j’ai pas très envie de me lever, et c’est pas l’heure qui me fait dire ça. C’est juste que devant moi, y’a ta silhouette assoupie. Je crois qu’il était tard quand on a sonné l’extinction des feux. Où tôt le matin. Enfin bref j’ai pas assez dormi. Alors je me rapproche de toi, je glisse mon bras le long de ton t-shirt, je viens me poser comme un calque de ta forme, le long de ta chaleur. Je t’écoute murmurer dans ton sommeil. Tes bruissements, c’est ma douce berceuse, ma piste de décollage vers la banlieue de Morphée.

Garçonne

En face de moi y’a le miroir. Et dans le miroir cette silhouette. Je me reconnais à peine. Je me suis rasée, épilée, maquillée, habillée. J’ai de l’allure, du charme ; du glamour, même. Un pantalon très près du corps dévoile la forme de mes jambes. Il est intentionnellement court pour montrer mes mollets glabres. Mes jambes ne sont plus mes jambes. Ou alors elles le sont enfin. J’ai enfilé des talons hauts pour la première fois.

Peaux-rouges

Tu sais quoi ? Je crois que c’est l’odeur du sang qui m’a marquée en première. J’avais l’impression d’être un requin, je te devinais à distance. Je me suis glissée dans le couloir qui menait jusqu’à ta chambre, furtive. La porte était entrouverte, un rayon de lumière orangée barrait le couloir. Je me serais crue dans un canyon, à l’affût des guets-apens, éclaireuse de pacotille au milieu de la nuit.
Tu avais mis de la musique, je crois. Un morceau plein de fourmillements, comme un orchestre d’insectes. Les notes venaient rebondir sur mes poils hérissés par l’excitation. Tu m’attendais, je le savais.

À marée

Ici, c’est le réveillon et j’ai trouvé une huître perlière. J’admire sa voilette, sa robe de velours. Je la nettoie du bout de la bouche, puis moins timide je m’aventure sans retenue.
J’en ai le goût plein la langue. Le sel, l’horizon, l’infini des profondeurs. Je bois la tasse à me noyer tandis que sa peau couleur d’écume ondule autour de moi en tempête. Sa respiration, c’est le ressac, le bruit des vagues qui se fracassent sur les rochers. Je ferme les yeux et je l’attends, inéluctable, irrégulière pour autant. Ça souffle, ça grogne, c’est immense et plein de vie.

Diablex

D’elle je me souviens la crinière flamboyante. Autant de boucles comme des flammèches qui volaient au-dessus d’un visage à la fois calme et intense. Je me souviens du trouble quand elle s’est avancée vers moi, toute en splendeur. Je me sentais tout petit, presque fragile. Je me sentais à sa merci.
Alors qu’elle plongeait son regard en moi, je sentais mes joues s’enflammer. Malgré ses vêtements je la devinais nue. Le grain de sa peau faisait des risées dans ma rétine. J’avais la gorge sèche et le cœur battant. D’une main, elle me fit tomber à la renverse. Mes jambes ne me portaient de toute façon plus qu’à grande peine.

Intime-moi

Ça a glissé dans la conversation, presque comme une pensée à voix haute.
« J’aimerais que tu m’intimes.
Tu aimerais que quoi ?
Que tu m’intimes ?
Mais que je t’intime quoi ? Un ordre ?
Non, plutôt le cou, là. Oui, je crois que j’ai envie que tu m’intimes le cou.

Le tabard d’Orion

Il me semble que je ne me rappelle plus son nom. Je ne suis même pas certain de l’avoir connu un jour, à vrai dire.
Je l’avais rencontré sur une terrasse où j’étais sorti fumer. Je ne crois pas que c’était un des invités, en tout cas je n’avais pas souvenir de l’avoir vu dans la soirée, mais j’étais trop éméché pour poser à cette heure-là d’autres questions que « Vous avez du feu ? »
Il en avait, et la braise de ma cigarette rejoignit les lumières du firmament.
« Moi je m’appelle Manuel, enchanté. » Il était beau et j’étais ivre. « Je suis un ami de François. Et vous ? »