Melville, la nuit

Batifolles

Y’a la lumière du soleil qui commence tout juste à filtrer à travers les persiennes. Il est tôt. Il est trop tôt. Hors de question de se lever. De toute façon j’ai pas très envie de me lever, et c’est pas l’heure qui me fait dire ça. C’est juste que devant moi, y’a ta silhouette assoupie. Je crois qu’il était tard quand on a sonné l’extinction des feux. Où tôt le matin. Enfin bref j’ai pas assez dormi. Alors je me rapproche de toi, je glisse mon bras le long de ton t-shirt, je viens me poser comme un calque de ta forme, le long de ta chaleur. Je t’écoute murmurer dans ton sommeil. Tes bruissements, c’est ma douce berceuse, ma piste de décollage vers la banlieue de Morphée.

C’est le poids de ton corps sur le mien qui me tire de ma rêverie. Je ne sais pas vraiment quelle heure il est, les rideaux sont encore baissés et les rais de lumière te dessinent en clair-obscur. Tu es à cheval sur moi, encore en pyjama. Tu me regardes avec un sourire doux et coquin.

“Bonjour, toi.
– Bonjour mon amour. Tu ne dors plus ?
– Non et toi ? Tu dors ?
– Je ne sais pas trop.
– Tu as envie que je t’aide à te réveiller ?
– Je… je veux bien, oui.”
J’ai la voix qui monte en terminant ma phrase, un peu comme si c’était une question. Tu as de la tendresse et de l’assurance plein le regard, alors que tu te penches pour rapprocher ton visage du mien. Tes lèvres atterrissent sur ma peau. Un petit baiser léger. Puis un autre. Puis encore un, plus appuyé. Tu as la bouche entrouverte, maintenant ; je t’imite. Le bout de ta langue vient chercher la mienne. Ils entament une danse espiègle et humide. Tu viens me sucer les papilles avec gourmandise, puis c’est mon tour. Je sens le relief de tes dents, je joue à l’alpiniste sur ces escarpements d’ivoire. Tes mains caressent mes joues, les miennes glissent sous ton t-shirt pour écrire des mots doux sur ton dos. Un petit centre chaleureux commence à éclore entre nous, il se déploie depuis nos ventres jusqu’au bout de nos mains et de nos pieds. Je caresse tes cheveux, tu mordilles mon cou. Tu me déshabilles petit à petit, dans la maladresse des corps qui n’ont pas encore tout à fait fini de s’éveiller. Moi aussi, je te déshabille. Nos peaux viennent se masser mutuellement, attirées l’une à l’autre comme des aimants. Je parcours tes épaules, tu empoignes mes hanches. Nous laissons échapper des soupirs, des sourires, des rires. Rapidement, il n’y a pas que nos bouches qui sont humides. Je lèche tes doigts, tu suces mes tétons. Tu m’empoignes et je te caresse. Je t’empoigne et tu me caresses. La couette qui nous abrite est un cocon dans lequel nous devenons des papillons. J’en ai un vol dans la poitrine. Les murs se constellent de gémissements. Il ne fait pas froid et pourtant tu trembles. Je m’enquiers :
“ Ça va ?
– Oui. C’est l’excitation.”
Nous rions. C’est fou ce que j’aime rire avec toi quand nous faisons l’amour. C’est le carillon le plus émoustillant que je connaisse.

Nos pyjamas gisent à côté du lit, maintenant. Je sens tes poils contre moi, ta bouche qui grignote mes cuisses ; ta langue qui descend le long de mon entrejambe ; tes mains qui agrippent mon cul. Tu me lèches et je m’abandonne à toi. Les yeux fermés, j’entends le cliquettement caractéristique du flacon de lubrifiant, puis je sens la fraîcheur qui enduit tes doigts me masser avant de se glisser en moi, centimètre par centimètre. Ma mains caresse ton sexe humide. Tu y déposes quelques gouttes épaisses et glissantes puis tu guide mes doigts vers la couronne brûlante de ton anus. Je tremble de plaisir alors que tu vas et viens en moi. Je suis ton mouvement. Je tourne autour de ton puit, comme une ronde polissonne. Et puis, te rejoignant, je plonge comme on rentre dans une eau un peu fraîche, tout doucement. Tes râles viennent faire écho aux miens. De ta main libre tu te caresse ; je fais de même. Nous ondulons dans une intensité grandissante. Nous échangeons avec complicité des mots doux et grossiers. Je te regarde grimper l’escabeau vers le septième ciel marche après marche. Tes yeux plantés dans les miens commencent à rouler dans leurs orbites. Les soubresauts m’envahissent et se propagent jusqu’à toi comme des ronds dans l’eau.

Tu as la voix rauque quand tu jouis, je gazouille quand l’orgasme m’emporte.