Pleine bouche

C’est le cœur de juillet. Il fait chaud à dégouliner. Je me rappelle, tu as failli ne pas me rejoindre. « Trop de frustration. » m’as-tu dit au téléphone. Un bouton de fièvre est venu se nicher au coin de tes lèvres. Nous n’allons pas pouvoir nous embrasser.

Le coin du couloir

C’est l’ombre en face de moi. 
L’incertitude silencieuse anxieuse. 
La certitude fataliste poisseuse. 

Silhouette

J’ai la lumière au bout des yeux.
Elle a ta silhouette.
Elle a ton sourire.
Je n’ai pas envie de ne plus être éblouie.

Saison quatrième

“Ce n’est que le début.”
Y’a-t-il des mots plus doux ?
Un instant d’infini
La perspective de nous

Métèque

Quand je change de résidence, je n’appartiens à nulle part.

Demi-elfe, déserteur•se, mutin•e. Là d’où je suis parti•e, je suis déclaré•e traître•sse. Là où j’arrive, je m’habille d’un devoir à vie de montrer patte blanche. J’emménage dans la suspicion. Ce n’est pas un appartement très confortable, mais j’y ai une chambre à moi.

L’île

Là-bas, il y a les plus grandes tempêtes auxquelles j’ai assisté de toute ma vie. Les vagues s’y font ogres, j’ai moi-même failli finir dévoré. Il y a aussi des éclaircies dont la lumière n’est à nulle autre pareille.
L’île, c’était un endroit de fascination, un exotisme à portée de main. J’avais grandi sur le continent, non loin de la mer. Je savais confusément que l’on y vivait le monde différemment. Les repères n’étaient pas les mêmes, la temporalité non plus. Les marées y imprimaient leur rythme et le paysage changeait sans cesse. Tout y semblait plus poétique, nourri d’une atmosphère particulière que je percevais sans savoir la décrire. Cet au-delà de mes territoires familiers, je m’y suis aventuré pour la première fois une nuit de fin d’été.

Dirty Talk

Dans mon dos, le bois de la porte est rigide et froid, mais je m’en fiche. J’ai mes cuisses autour de ta taille, je sens tes mains sur mes fesses et ta langue qui caresse la mienne ; c’est tout ce qui compte, tout ce qui absorbe mon attention, là, maintenant.
“J’ai envie de te parler cru.”

Griffures

“On les aime bien, les petites griffures de l’amour.”

Je ne me souviens plus exactement quand tu as dit ça. Je crois que tu commentais un chant d’opéra. Je ne me souviens plus vraiment ce que j’ai répondu. J’ai probablement dû aller dans ton sens. Mais en réalité, ce n’est pas mon cas. 

Mourrir un peu

Salut ma ville,
je suis partie. Un peu vite, un peu discrètement ; je n’ai pas voulu te déranger. Je t’ai aimé ma ville. Je t’aime toujours. On n’efface pas dix-huit ans d’histoire commune comme ça. Mais voilà, là, maintenant, j’ai besoin d’autre chose. Tu sais, c’est avec toi que j’ai vécu ma deuxième vie, ma vie d’homme. On s’est baladé, moi dans tes bras, alors que tu me montrais des recoins magiques. Tu m’as fait le grand spectacle un nombre incalculable de fois. Je ne regrette rien de nous. C’était beau, c’était juste et doux.