Melville, la nuit

Diablex

D’elle je me souviens la crinière flamboyante. Autant de boucles comme des flammèches qui volaient au-dessus d’un visage à la fois calme et intense. Je me souviens du trouble quand elle s’est avancée vers moi, toute en splendeur. Je me sentais tout petit, presque fragile. Je me sentais à sa merci.
Alors qu’elle plongeait son regard en moi, je sentais mes joues s’enflammer. Malgré ses vêtements je la devinais nue. Le grain de sa peau faisait des risées dans ma rétine. J’avais la gorge sèche et le cœur battant. D’une main, elle me fit tomber à la renverse. Mes jambes ne me portaient de toute façon plus qu’à grande peine.
Je m’effondrai sur le dos, sur le lit. Elle m’enjamba. Ses genoux de part et d’autre de mon torse, elle s’assit sur ma taille. Pris par l’émotion, je bandais et elle s’en rendit compte lorsque son cul effleura la toile de mon pantalon. Elle esquissa un sourire.
« Je te fais de l’effet. »
J’acquiesçais silencieusement. Petit homme sage et bandant.
« Déshabille-toi. »
Avant même que ses mots percutent mon cerveau, j’étais déjà en train de déboutonner ma chemise. Elle se releva, s’éloigna dans l’obscurité de la pièce. Je décrochai ma ceinture, faisais glisser mon pantalon au pied du lit.
Je ne voyais pas ce qu’elle faisait. Elle me tournait le dos.

Quand elle revint vers moi, elle était nue. Elle se tenait simplement là, les yeux plantés dans les miens, ne laissant pas à mon regard la liberté de fuir vers les dunes de peau de ses courbes. Il me semble que la lune avait effectué un cycle complet avant qu’elle ne libère mes yeux. Dans le silence de la pénombre, j’entendais sa respiration, calme et méthodique.

On aurait dit une manière de baudrier de cuir et de toile. L’objet lui ceignait la taille et chacune des jambes. Devant, un triangle noir retenait un anneau métallique. Au milieu, planté dans l’anneau, un cylindre écarlate. Une corne rouge. Une bite incandescente.
Je sentais la peur et le désir me labourer l’estomac. Je ne bandais plus, mais mon cœur tentait à chaque battement de s’échapper de sa cage thoracique et mon sang pulsait dans mes tempes. Son regard se fit, l’espace d’un instant, interrogateur. J’acquiesçai silencieusement en réponse.

Elle se tenait devant moi, fière, victorieuse, inaltérable. Le harnais faisait d’elle une gladiatrice dont le dildo aurait été l’épée. Une érection sanguine dure et douce à la fois, surmontant la vue de sa vulve et lui donnant des airs de déesse hermaphrodite. J’étais dans le temple d’Ishtar, je me pâmais face à Lilith, je vénérais une Ardhanari majestueuse et dressée vers le ciel comme une statue sacrée.

*

Elle glissa en moi. Chaque millimètre faisait d’elle une conquistador explorant un continent nouveau et de moi une forêt équatoriale pleine de chants et de feulements. Ses griffes dessinaient sur mes cuisses un alphabet intime. Sa bouche me soufflait des prières d’avant le temps. J’étais un brasier. Je gémissais mon plaisir, je riais et je pleurais tout à la fois. Mon sexe ne savait plus s’il devait se redresser ou se faire discret. Je la demandais en corps. En corps, mes reins pris de soubresauts. La sueur qui perle sur nos fronts et tes cheveux qui dessinent au-dehors les flammes qui me consument en dedans. Ta main dans ma main. Ma main sur ton sein. Ta main sur ma langue.
Je me fais rauque, je me fais crocs. Tu psalmodies, tu murmure, tu mélopes tes mélopées.

*

Tout mon être se fit séisme. Plusieurs fois. Chacune plus puissante que la précédente. Après cinq secousses, le fracas tectonique avait eu raison de ma raison.
Je ne me souviens plus exactement de ma nuit, juste que j’étais seul dans le lit, en train de rire comme un dément en récitant des poèmes d’Eldorado.