Melville, la nuit

Le monde commence aujourd'hui

Aujourd’hui ce n’est pas un texte de moi que je partage. C’est le début d’un bouquin de Jacques Lusseyran : « Le monde commence aujourd’hui ». Ca me parle beaucoup.

« À trente­-quatre ans, il me semble que je viens de naître. C’est une sensation de chaque jour. Elle est comique, si l’on veut. Mais elle est bien vivante, et si comble de force et si propre que j’ai envie de la crier.
Le monde commence aujourd’hui. C’est une réalité pour moi, chaque fois que je n’ai pas peur. C’est une réalité pour tous les hommes. J’en viens parfois à me demander si la peur ne serait pas la cause principale, la seule cause de notre vieil­lissement.
Je me sens jeune, très jeune. C’est la raison qui me pousse à écrire. D’autant plus que ma jeunesse est pleine de souvenirs. Et ce n’est pas contradictoire.
Tous ces lieux où j’ai vécu, tous ces hommes surtout que j’ai aimés n’appartiennent pas au passé. Ils n’habitent pas ce pays abstrait qu’on appelle « autrefois » : ils sont en moi, dans mon esprit, dans mon présent.
C’est sans doute pourquoi ils reviennent en foule au moment où je suis le plus jeune, le plus proche de chacun des instants de ma vie. »