Melville, la nuit

Au bord des falaises

J’ai grandi dans un pays de falaises. J’ai beaucoup marché sur les sentiers de douaniers. C’est le parcours liminaire entre la terre et la mer, l’espace venteux où je touche à la liberté. C’est un endroit que j’aime, où je pourrais déambuler sans fin. Les ajoncs sont mes compagnons, le ressac ma bande-son. Et quand je regarde le vide à mes pieds, je me sens devenir oiseau, sur le point de m’élancer dans l’abîme.


Au bord des falaises, au bord du monde. Il n’y a plus rien, plus rien que le vent dans mes oreilles. Mon corps même cesse d’exister. Je me fonds dans les éléments. Je deviens vaste, si vaste. Je suis l’immensité sauvage, quelques instants.


Je me vois chuter vers le sable ou les rochers. Je me vois disparaître dans l’écume. Je sens les millions de minuscules bulles qui remontent le long de moi.
Les massifs de granits se font géants et m’autorisent avec bienveillance à parcourir leurs épaules, je clandestine sur leurs titanesques silhouettes.
Entre les nuées et la lande, je suis un nœud de vie, tous sens en éveil. Je me gorge de ces heures perdues à marcher. J’y trouve la joie, la mélancolie, l’intériorité et l’unisson au monde.


Au bord des falaises, je commence à être.